Le secteur pétrolier fait la promotion des carburants renouvelables pour réduire les émissions de CO2. Dans un entretien avec energate, Ramon Werner, président de Biofuels Schweiz et membre du comité de l'Union Pétrolière, explique quel rôle précis cette forme d'énergie doit jouer dans la politique climatique.
energate : M. Werner, quel est le potentiel national pour les biocarburants ?
Werner : Selon les normes suisses, tant dans le domaine des carburants que dans celui des combustibles, on devrait ajouter une part de biocarburants nettement plus élevée que ce n'est effectivement le cas, avec respectivement 7 et 5 pour cent. C'est le potentiel qui pourrait être exploité sans adaptation. L'exemple de l'espace de l'UE, où l'adjonction d'éthanol jusqu'à 10 pour cent est autorisée, le montre bien.
energate : D'où proviennent les parts de bio dans les combustibles et carburants en Suisse ?
Werner : Principalement en provenance d'Europe. Selon la loi, les composants bio des carburants et combustibles ne doivent pas entrer en concurrence avec la production de denrées alimentaires et d'aliments pour animaux et doivent être compatibles avec l'environnement. S'ils remplissent ces critères, il existe un justificatif. L'origine et la composition sont donc traçables. Il existe en Suisse différents producteurs locaux qui fabriquent des composants bio pour les biocarburants selon ces directives. La part des importations est toutefois nettement plus élevée.
energate : Selon vos explications, le coût des biocarburants n'est que légèrement plus élevé que celui des carburants et combustibles courants. Quel rôle jouent les décisions politiques dans ce calcul ?
Werner : Les biocarburants sont exonérés de l'impôt sur les huiles minérales. La perte fiscale qui en résulte est toutefois répercutée sur les carburants fossiles. La Confédération récupère ainsi les recettes. Si cette exonération fiscale était supprimée, la part bio deviendrait significativement plus chère. Les coûts seraient répercutés sur le consommateur, ce qui, selon nos calculs, augmenterait le prix de l'essence de plus de 20 centimes. Il n'y aurait alors qu'une seule possibilité d'augmenter la part des composants bio dans les stations-service : Une obligation d'incorporation. Il en va de même pour les combustibles. Là, les composants bio sont exonérés de la taxe sur le CO2.
energate : Le secteur s'est déjà prononcé contre une telle obligation.
Werner : L'exonération actuelle des biocarburants de l'impôt sur les huiles minérales et la compensation des recettes ainsi perdues par le biais de l'énergie fossile est pour nous la bonne voie. Les acteurs impliqués dans ce système ont mis du temps à s'établir, mais aujourd'hui, il est bien rodé. Un changement nous ramènerait à nouveau des années en arrière. Comme nous l'avons dit, la Suisse est plus stricte que l'UE dans l'évaluation des biocarburants. Ce qui est passionnant pour nous dans cette discussion, c'est de savoir si les politiques veulent maintenir ces contraintes. Le Conseil fédéral s'est prononcé en faveur d'un alignement de la législation sur celle de l'UE. En tant que secteur, nous nous en réjouirions.
energate : Ils souhaitent en outre que les biocarburants destinés au marché de la chaleur, c'est-à-dire les combustibles, bénéficient d'un meilleur statut. Outre la reconnaissance par l'OFEV, ils demandent l'identification des produits via des numéros de tarif douanier ainsi que l'introduction du bilan massique. Où en êtes-vous ?
Werner : Le bilan de masse dépend de processus politiques dont le déroulement ne peut pas être accéléré. La reconnaissance par l'OFEV pourrait être mise en œuvre en quelques mois. Nous sommes en discussion avec les responsables. En ce qui concerne la Direction générale des douanes, nous devrons sans doute nous adresser une nouvelle fois au plus haut niveau. On sait que la volonté d'identifier nos produits par des numéros de tarif douanier est relativement faible. Mais je suis confiant et je n'ai pas constaté que, dans les institutions, quelqu'un s'oppose à nos demandes pour des raisons de principe.
energate : Comment percevez-vous l'opinion publique sur le thème des biocarburants ?
Werner : Certains nous reprochent de vouloir prolonger la vie des énergies fossiles avec les biocarburants. Ce n'est pas le cas. Que nous cherchions des possibilités de développer de nouveaux modèles de marché pour remplacer les énergies fossiles est logique. Mais en Suisse, la plupart des bâtiments sont encore chauffés au pétrole et seule une petite partie des véhicules roule aujourd'hui sans moteur à combustion. Ce dernier point est illustré chaque année par le nombre de nouvelles immatriculations.
energate : Quel rôle les biocarburants peuvent-ils jouer dans ce contexte ?
Werner : En utilisant des biocarburants, nous économisons du CO2 à court terme, jusqu'à ce que nous ayons développé des alternatives aux énergies fossiles. Nous ne prolongeons donc pas la vie de ces formes d'énergie, mais nous faisons preuve de bon sens. Rien qu'en Suisse, nous pouvons économiser 550.000 tonnes de CO2 par an dans les transports grâce aux biofuels. Il est indéniable que la société veut s'éloigner du pétrole. Le secteur pétrolier lui-même accepte cet objectif. Mais le développement doit être raisonnable, durable. Et elle doit être abordable. Si les coûts sont trop élevés, les nouvelles solutions n'ont aucune chance auprès de la majorité de la population.
Source : energate-messenger.ch, 24.04.2019
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